Interview avec Micode, le Youtubeur français qui éveille notre curiosité informatique.
Micode est un Youtubeur français qui se charge d'éveiller notre curiosité dans l'univers de l'informatique et de la cyber sécurité, le motif de sa venue à Maurice est aussi mystérieux que son tweet annonçant sa venue sur l'île. C'est à la suite de ce tweet que, dans un élan d'optimisme, je lui demande si une rencontre est possible. Il m'envoie un message privé le lendemain et on convient d'une interview dans la foulée. Alors, que vient faire un Youtubeur à 550 000 abonnés sur notre île ?
Loïc - Bonjour Micode ! Merci à toi de répondre à mes questions, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Micode - oui, bien sûr ! Je m'appelle Michaël, j'ai créé une chaîne YouTube il y a deux ans qui s'appelle Micode, qui est aussi mon pseudonyme, où je parle d'informatique en général en essayant de la rendre moins chiante avec des vidéos attrayantes pour le grand public. Mais j'essaye d'être un peu technique parfois, quand même. J'ai aussi un attrait pour les questions de cybersécurité, donc c'est un sujet récurrent sur la chaîne. Sinon, j'ai fait des études d'informatiques, un IUT, plus précisément, et c'est pendant ces études que j'ai lancé cette chaîne qui aujourd'hui a bien grandi. C'est pourquoi je suis maintenant à plein temps dessus et je suis devenu officiellement vidéaste.
L - D'ailleurs ta chaîne a dépassé les 550 000 abonnés, félicitations ! Ça fait quoi de savoir que tu as plus d’un demi-million de personnes qui te regardent parler d'informatique, de code, de cybersécurité, de backdoors ?
M - C'est surprenant ! Vu que ce sont des chiffres, il est assez compliqué de visualiser toutes ces personnes, en lisant un peu les commentaires on peut se faire une idée, mais ça reste une masse non définie. Mais c'est surtout surprenant, parce qu'en lançant la chaîne, je m'étais fixé un objectif de 10 000 abonnés à la fin de l'année, ce qui est déjà franchement ambitieux !
L - Il y en a qui tuerait pour 10 000 abonnés ! J'en conclus que tu as donc passé directement un pacte avec le diable ?
M - Voilà ! (rires) et puis rien ne s'est passé comme prévu, ce qui fait qu'en moins de deux mois, je me suis retrouvé avec plus de 200 000 abonnés qui suivaient la chaîne. Une chaîne qui parle d'informatique ! Ça m'a beaucoup surpris parce que je ne pensais pas toucher un public aussi large, parce que sujet qui peut paraître chiant dans l'imaginaire collectif. Mais qui ne l'est pas, bien sûr ! C'est que j'essaye de montrer avec mes vidéos.
L - Avec un nombre d'abonnés aussi conséquent, il t'arrive qu'on te reconnaisse dans la rue, par exemple ?
M - Ouais ça fait vraiment bizarre !
L - Ou à l'autre bout du monde ? (J’ai interpellé Michaël à l’Île Maurice, NDLR)
M - Encore plus bizarre ! (rires) La croissance de la chaîne, c'était un truc complètement fou, je me souviens qu'on regardait avec mon frère le compteur qui s'envolait ! C’est une sensation très étrange. La première fois que tu croises quelqu'un, qui suit ce que tu fais, dans la rue, c'est quelque chose de fou ! Heureusement, j’ai la chance d'avoir du contenu qui va intéresser des personnes un peu plus « âgées », sachant que plus de 90 % de mon audience est majeure. Mais globalement, ça va être des étudiants en informatique ou de jeunes passionnés. Donc les gens avec lesquels je vais discuter sont super sympa et intéressants, ça créé des bons moments. Je n’ai pas de soucis avec ça, par rapport à des gens qui ont une audience beaucoup plus jeune où tu peux avoir des comportements un peu plus imprévisibles. Donc, je ne suis pas à plaindre, c'est trop bien !
L - Quelle est la raison de ta visite à Maurice ? Travail ou plaisir ?
M - C'est surtout le travail ! Je travaille sur un projet encore en cours... C'est une enquête sur une arnaque qui est très répandue sur internet : elle est assez faible techniquement, mais elle cible des personnes crédules ou qui s'y connaissent mal en informatique. Ce sont des cibles idéales et une partie des acteurs de cette arnaque sont à l'Île Maurice et en Colombie. Je viens récupérer un maximum d'information pour ce reportage sur place.
L - Bien sûr ! Quelle est pour toi la raison de ce succès sur une chaîne qui devrait pourtant toucher un public de niche ?
M - Concernant la montée assez rapide de la chaîne, je n'ai pas d'explication exacte, parce qu’il y a l’algorithme de YouTube qui est en jeu et personne n'en connait vraiment le fonctionnement. J'ai des pistes, cependant ! Je pense que ma première vidéo, qui avait le mot-clé (et pour thème) Leboncoin était un mot-clé assez puissant à ce moment sur le YouTube français parce qu'Amixem (un autre Youtubeur, NDLR) avait lancé une série de vidéos sur ce site. Donc ça, c'est la première raison. Aussi, ma première vidéo, qui a propulsé ma chaîne, a vraiment super bien marché parce que je joue un tour à des arnaqueurs qui sévissent sur Leboncoin : « Les brouteurs d'Abidjan ». C'est un contenu qu'on voyait très rarement sur YouTube à l'époque, qui a étonné les gens et qui a été relayée par d'autres créateurs. Ça m'a permis de rencontrer rapidement des gens du milieu de YouTube, de faire une vidéo avec d'autres Youtubeurs comme Fabien Olicard et Pierre Croce. À eux deux, ils ont dû me ramener une audience de 80 000 abonnés, ce qui a doublé le nombre des miens ! Et la dernière raison, c'était l'époque où la série Mr Robot devenait un phénomène populaire et donc le thème de la cybersécurité a commencé à intriguer du monde.
L - D'ailleurs, est-ce que tu penses que « Geek is the new chic » ? Parce qu'avec des séries comme Mr Robot, Big Bang Theory ou encore des films comme Opération Espadon ou Hugh Jackman joue un pirate informatique, ça joue à populariser le geek et sa culture...
M - Ça serait top ! Mais je ne pense pas que ce soit le cas encore. Mr Robot ça reste du bon cliché. Mais ça arrive petit à petit dans la pop culture. Envisager une carrière dans l'informatique ou la cybersécurité, ce n’est pas ultra répandu, mais ça va arriver bientôt !
L - Je l'espère aussi, c'est quoi qui t'as poussé, toi, à te lancer dans ces domaines ?
M - Ça a commencé en 3e, avec mon beau-frère qui m'avait montré qu'avec une calculatrice de lycée, on pouvait déjà faire de la programmation assez rudimentaire, mais créer des programmes super marrants. Et quand j'ai vu qu'on pouvait créer un mini-jeu avec quelques lignes de code. Et c'est là le côté jouissif de la programmation, c'est que tu peux voir instantanément le fruit de ton travail et que tu peux le faire évoluer au fur et à mesure. C’est ultra satisfaisant, je suis tombé amoureux de la programmation et je n'ai pas arrêté, j'ai été jusqu'à faire des études dans ce milieu. Et globalement, je consacrais la plupart de mon temps libre à faire ça, ce qui paraissait extrêmement bizarre pour tous mes potes qui étaient plutôt jeux vidéo, eux. Mais ça m'a permis de m'investir dans ce domaine que je continue d'aimer.
L - Tu as lancé ta chaine pendant tes études, quelle vie préfères-tu, la vie étudiante ou la vie de vidéaste ?
M - J'étais à L'IUT, et même si je ne veux pas critiquer, la façon d'enseigner ou les méthodes, ce n'est pas ce qui se fait de plus moderne. Mais j'étais quand même très content de passer toute ma semaine à faire quelque chose que j'adore. Contrairement au lycée ou même j'avais pris une spécialisation ISN (Informatique et Science du Numérique), je codais très peu. Quand tu es dans ce cloisonnement avec très peu d'informatique, l'IUT, c'est une libération absolue ! Du coup, j'ai lancé la chaîne en première année d'IUT et en deuxième année j'étais littéralement un fantôme en cours à cause de son succès. (Rires) Donc clairement, la partie vidéaste, c'est la meilleure.
L - Quel est le challenge le plus important à tes yeux ? Celui qui fait que tu continues à faire des vidéos ?
M - D'arriver à ce qu'une personne moyenne qui s'en fout de l'informatique ait envie de regarder une de mes vidéos pour ensuite essayer d'en apprendre plus à ce sujet. C'est comme ça que je vois mes vidéos, c'est une amorce au monde de l'informatique. Je ne veux pas me représenter comme un professeur, mais plutôt comme quelqu'un qui veut partager sa passion de manière originale. Donc le challenge de ma chaîne et de faire en sorte que les gens s'intéressent à l'informatique en dégageant les a priori à ce sujet.
L -Donc, être une source, un déclencheur de curiosité ou de vocation ?
M - Exactement. Et ce n’est pas un petit challenge !
L - Pour revenir à ta chaîne YouTube, je remarque que tes vidéos collent très souvent avec ce qu'on pourrait appeler la « Cyberactualité », comment t'informes-tu en général ?
M - Twitter ! Ma principale source d'infos, c'est Twitter. C'est d'ailleurs grâce à ça que je peux sortir des vidéos très actuelles, presque en même temps, si ce n'est avant, la presse écrite. Je peux me permettre parce que je suis Youtubeur et que j'ai un procédé de création très court.
L - Tu suis des personnes en particulier ?
M - Je suis beaucoup de chercheurs en sécurité, ça me permet d'avoir une information assez globale sur l'état de la cybersécurité, sinon j'ai des podcasts super biens qui s'appellent « Le comptoir sécu » et « NoLimitSécu », ça va débriefer tout ce qu'il se passe dans cette sphère. Si ton public est intéressé, c'est beaucoup plus technique que ce que je fais sur la chaîne et ça me permet de faire ma veille.
L - Merci beaucoup pour ces réponses et pour cette interview Micode… Pardon, Michaël !
M - Avec plaisir !
L – Un petit mot pour la fin ?
M - Faites du Dev ! C'est super cool ! Plus sérieusement, même si vous n'avez aucune ambition de travailler dans ce domaine, ça vous servira forcément. Pour moi c'est comme l'anglais aujourd'hui. Comme on est tous dépendants de la technologie, il faut pousser les gens à s’intéresser aux outils qu'ils utilisent tous les jours. Essayer de comprendre comment ils fonctionnent et comprendre les risques qu'il peut y avoir dessus. L'enjeu de l'éducation au numérique est juste énorme.