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Interview avec Élie Sloïm, qualiticien du web

À l'occasion de sa venue à Maurice pour des formations à Extension Interactive et de sa conférence à la DevCon 2019, j'ai pu interviewer Élie Sloïm sur lui et son passionnant métier.

 

Loïc - Bonjour Élie ! Merci de répondre à mes questions, pouvez-vous vous présenter ?
Élie - Je m'appelle Élie Sloïm, je suis président et fondateur de la société Opquast qui est une société spécialisée sur la gestion de qualité des sites internet. Je vis et travaille à Bordeaux, en France, j'ai créé cette société il y a quelques années déjà (2000, NDLR). Je suis consultant, auteur et conférencier.

L - Vous avez eu une formation en lien avec votre métier actuel?
É - Absolument ! Je suis qualiticien. J'ai eu une formation initiale de chimiste et à la sortie d'une maitrise de chimie, je me suis dirigé vers une spécialisation sur l'assurance qualité en laboratoire. J'ai travaillé quelques années dans le domaine du pétrole, puis dans le domaine du vin, le but étant d'assurer un niveau de qualité constant dans des laboratoires d'analyses : est-ce que la qualité des analyses est assurée (traçabilité, incertitudes de mesures, etc.) ? Et tout un tas de choses qui concernent la qualité en laboratoire.
Et puis lorsque est arrivé le Web, je me suis posé la question de la qualité des sites et c'est là que, plutôt de travailler sur la qualité en laboratoire, j'ai commencé à travailler sur l'assurance qualité dans le domaine du web.

L - Alors, le pétrole et le vin ça reste assez tangible, est-ce que ça a été plus compliqué de passer à l'analyse de quelque chose aussi abstrait que le net ?
É - Dans la qualité en Laboratoire, on travaille beaucoup sur la partie méthodes, modes opératoires, procédures, etc. Dans le domaine du web, quand nous nous sommes posés cette question, nous sommes plutôt partis des exigences utilisateurs. Nous avons démarré avec un modèle que je vais présenter à la conférence (la DevCon 2019, NDLR) dans quelques jours et dans mes formations aussi. Le Web est certes un outil plus abstrait, mais pas tant que ça, au moins pour les utilisateurs : ils viennent chercher des contenus, accéder à des services, acheter des biens...Donc, faire des actions qu'ils faisaient aussi dans la vraie vie, ce n’est pas si abstrait que ça, au final. Après, en effet, dans les méthodes, les approches, dans le développement, l'ergonomie, etc. Il y a des méthodes qui concernent des éléments plus immatériels. L'immatériel n'a pas commencé avec Internet, ça existe depuis toujours sur l'informatique ou sur le numérique en général. En tous cas, on arrive à bien avancer sur ces sujets.

L - Vous avez dit que vous alliez intervenir dans une conférence et dans des formations chez Extension Interactive à Maurice... qu'est-ce qui vous a poussé à venir à Maurice ?
É - Le dirigeant d'Extension Interactive, Laurent Montaigne , est un ami de longue date, on a travaillé ensemble sur les aspects qualité et accessibilité web quand il était en France. J'ai aussi beaucoup d'attaches dans l'océan Indien, je suis intervenu très souvent à l'université de la Réunion, ma sœur a vécu à la Réunion, le directeur technique de mon entreprise, Mickaël Hoareau, est à la Réunion (Opquast a une grande partie de ses effectifs en télétravail) ma mère intervient très régulièrement à Diego (Antsiranana, Madagascar, NDLR). Cela dit je ne connais pas Maurice, si ce n'est par l’intermédiaire d’Extension Interactive. Je connais mal le terrain et justement c'est l'un des enjeux pour moi de venir pour discuter avec les gens sur ces enjeux-là. Je  sais que Maurice a beaucoup de talents, notamment quand j'ai vu le programme de la DevCon, ou ce que faisait Extension Interactive et d'autres entreprises locales. Surtout, c'est pour moi l'occasion de rencontrer du monde.

L - Vous avez aussi parlé d'Opquast dans l'une de mes questions précédentes, le nom de l'entreprise a-t-il une signification ?
É - Absolument ! Ça veut dire « Open Quality Standards » (ou Standards de qualité ouverts, NDLR) puisque l'une des particularités de notre métier est de concevoir des référentiels de bonnes pratiques (du web, NDLR). Et ces mêmes référentiels sont mis en Licence ouverte,  creative commons Share-Alike. Nous prenons soin à que ça rentre dans la catégorie des biens communs. Depuis la création d'Opquast, nous avons cette idée de faire de la standardisation.  Evidemment, la standardisation se fait essentiellement à travers des acteurs de la normalisation internationale ou le W3C (World Wide Web Consortium, NDLR), mais nous essayons d'apporter notre pierre à l'édifice en rédigeant ces  référentiels de bonnes pratiques, et en espérant que leur appropriation par les certifiés et les gens qui les utilisent conduiront à ce que ça participe de la normalisation internationale.

L - Pensez-vous que le web, dans ce cas, puisse atteindre une qualité irréprochable ?
É - Non. (Silence) Est-ce que c'est souhaitable ? Non plus ! Parce que ça laisserait entendre une absence totale de défauts, de ce fait une absence totale de potentiel d'amélioration, donc de progression, et ce n'est pas bon signe. Le métier des gens qui travaillent sur la qualité est de faire de l'amélioration continue.

L - Justement, quelle est votre définition de la qualité Web ? Ça peut paraitre assez subjectif? Un peu comme la beauté qui n'est que dans les yeux de celui qui la voit. Qu’en pensez-vous ?
É - La qualité web c'est la capacité d'un service ne ligne ou d'un service web a satisfaire des exigences implicites ou explicites des utilisateurs. Concernant la subjectivité, oui, la qualité web est subjective, l'un des enjeux de la production de référentiels de bonnes pratiques, de modèles, de la recherche de contextes utilisateurs, de la recherche de glossaire commun, c'est justement de rendre cette donnée non pas objective, mais de la rendre la plus objective possible. Même si on sait qu'elle reste en partie subjective, on essaye d'amener des éléments d'objectivité et ça se passe très bien, parce qu’on n’a pas la prétention de savoir faire les travaillons sur la prévention des risques. Nous répertorions les principaux défauts sur les sites et c'est déjà très bien.

L - Lors de votre présentation, vous nous avez dit que vous étiez auteur, notamment du livre "Qualité Web - La référence des professionnels du Web", pensez-vous que vous allez sortir une nouvelle version, de qualité supérieure, de ce livre dans les prochaines années ?
É - On ne peut pas améliorer la qualité de ce livre, il est indépassable ! (silence) Je plaisante, évidemment !

L - (rires) Oui, en effet, ça ne colle pas avec votre réponse précédente !
É - On sort une version des bonnes pratiques à peu près tous les 5 ans, on va ne pas tarder à travailler sur une prochaine version sachant que la version de de 2015 n'a presque pas bougé, on n'a presque pas d'amendements à faire parce que la liste de bonnes pratiques en elle-même est restée pertinente. Aujourd'hui si jamais j'avais à ressortir ce livre, ça serait plus pour l'expurger d'un certain nombre de contenus. C'est un gros livre, donc un petit régime lui ferait du bien. Mais je crois vraiment que c’est un très bon livre, qui s'est beaucoup vendu, qui est très utilisé, notamment comme un manuel à avoir à portée de main.

L - Justement, vous dites que c'est un gros livre, c'est son seul défaut ? (rires)
É - Oui, je ne vais pas faire de fausse modestie, franchement, je pense que c'est un très bon livre. Je précise d'ailleurs je ne suis pas le seul à l'avoir produit. Pour la première version, il y a eu Muriel de  Dona, Fabrice Bonny et Laurent Denis. Pour la deuxième version, on a essentiellement travaillé Laurent Denis et moi-même, donc je ne dois pas être le seul à recevoir le mérite, il y a énormément de travail de beaucoup de monde. La communauté qui nous soutient est très investie et cela nous a beaucoup aidés sur la qualité des contenus. 

L - Est-ce qu'il y a quelque chose dont vous êtes particulièrement fier, professionnellement parlant ?
É - Aujourd'hui, s'il y a une chose à garder dans tout ce que j'ai fait, c'est le modèle VPTCS (Visibilité, Perception, Technique, Contenus, Services) que j'ai produit en 2001 avec mon collègue et ami Éric Gateau. Si, d'une manière ou d'une autre, je dois laisser quelque chose d'important au niveau professionnel, ça serait ça. D'un point de vue conceptuel, c'est très important. Mais ce n'est pas la peine de trop le détailler, vu que je vais en parler dans mes conférences.

L - Ma politique de No spoiler marche pour le prochain Avengers, Game of thrones et aussi pour les référentiels de qualité Web, ne vous inquiétez pas ! (rires)
É - D'ailleurs je vous préviens dans le prochain Avengers, ils meurent tous à la fin ! (rires)

L - (Rires) Merci Élie d’avoir répondu à mes questions et merci de votre temps pour cette interview !

 

crédit photo: Franck Paul

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